samedi 30 décembre 2017

Saint-Denis

Si l'on croit à la corrélation vibratoire de certains maux, à l'encastrement des causes étrangères qui se ressemblent, alors Saint-Denis irradie sa triste intégration.

D'abord, elle n'est pas physiquement bien entrée ni sortie de la petite couronne. Ses petites communautés mettent leurs pieds fragiles à l'étrier de Paris, de la France, au risque de se casser la figure. Puis elles craignent, tel le cavalier tombé à terre, de réessayer.

Les barres d'immeubles cloisonnent en son sein, séparant ses cités de son centre, son île de sa plaine, son B de son D, sa 12 de sa 13. Comme une ruche composée de petites alvéoles, ses quartiers enclavées sont carcans où ne volent plus les abeilles, car celles ci butinent les pâtisseries du marché.

Les enfants syriens de l'immeuble insalubre ne trouvent pas le chemin de l'école. Les roms eux, rois des périphéries, y établissent certains de leurs éminents bastions.

Dans cet espace entre l'individu et le tout auquel il appartient se dressent les implacables Zones Industrielles. Dans cet espace entre l'individu et ses droits s'étend la file d'attende de la CAF. Devant l'histoire gisent les marchands du temple.

Entre là ou il vit et là ou il travaille se déclinent des transports en commun que rien n'harmonise. Hordes silencieuses s'entassent dans le train grinçant, non sans franchir en vrais fakirs les détritus jonchant.

Il y'a ce cavalier à terre et il y'a cette plaine que son cheval a parcouru. Bientôt l'écart a pris l'horizon, ce no man's land m'émerveille dans la fumée des caddies.

Scinde, nie.

Comme d'autres qui ne se croyaient plus chez eux je suis tombée dans son champ magnétique. Avec ma peau blanche, mes moyens faciles, je me sent dans la foule l'autre inconnue qu'on a eu le plaisir de ne pas connaître.
J'ai croisé deux amis : La femme enfermée dans son corps d'homme.
L'enfant tiraillé entre deux pays.
Et si j'ai guetté mon ami du front, la guerre l'a gardé jalousement.

Je suis venue gentrifier Paul Eluard, pensant que le rouage communautaire m'arracherais à mon antichambre. Sans camper au Pavillon, je n'ai retrouvé de la nature que les cigales (lyca, lyca, lyca) 

Au Saint-Laurent le mardi, le vendredi, et le dimanche, grain de café par grain de café, j'ai essayé de boire cette terre en friche qui me sépare des autres.

Ces efforts trop légers, comme je ne me suis pas pressé, comme rien de sert de courir, n'ont pas permis de reboucher le fossé de la commune.

Jusqu'à ce que de derrière le salon, je n'ose plus sortir affronter le regard de ceux qui habitent la cité de mon désaveu. Depuis qu'une vague discussion a jeté un voile opportun sur ma vérité : que je ne puis confronter d'avantage ceux qui peuplent la lande où se perdent mes lettres.
Je ne puis regarder indifférente les visages de l'indifférence, ce que cette ville m'inspire, son déni. Saint-Denis.

Alors dans le bric à brac du marché, dans la litanie à 1€, ne trouvant pas de livre, je tournais en quête de "l'île aux bouquins" située en réalité bien plus loin.

Las-bas à Saint-Denis sur l'île de la Réunion, j'imagine que la distance qui vous sépare du monde, si ce n'est des livres d'occasion, est autrement béante. Ici l'air est froid sous la voûte. Ici la mer me manque.

mercredi 21 septembre 2016



 Je laisserai la tradition s'éstomper.
Nous consumerons nos vies et nos patrimoines
dans la fièvre des nuits blanches
Je nous promet des décades d'errance,
pour enterrer la hache de guerre,
les dettes laisseront place aux ardoises.
Les palais de nos ancêtres flotteront sur des essieux,
nous serons nomades mon fils.
Nous sentirons les saisons,
nous caresseront les derniers arbres
 mais ne survivront pas nos noms.
Nous serons nomades, vagabonds

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La rivière

Cadence d'éxode
de tout flottant
sous la pagode
s'acheminant
                                              
            Flotte grégaire
            d'âmes égarées
            marche forcée
            des émissaires

                        funéraire ou pragmatique
                        ou de colère dogmatique
                        guidé sur un fil mouvant
                        au grè des geais et des bancs

dimanche 11 septembre 2016

Chamarande 10 septembre

Les fanions pendent
la viande calcine
les clopes aussi
les lampes aussi
mais c'est l'automne qui prédomine

                         La brume s'empare des douves
                         et des oiseaux formés
                         la forêt insensible
                         semble immobilisée

Le rouge est le dernier
a quitter sa belle teinte
la piste s'est éteinte
la fraicheur est tombée

                                   la fête est terminé
                                   l'hiver est à l'orée
                                   et viendra peindre la terre gelée

jeudi 8 septembre 2016

Quelque part dans la vallée pavée
mon rêve calcifié s'effrite
par le mistral éparpillé
la fumée crée se dissipe

               Mon amour est resté dans l'entrée
               la peinture a pali dans la chambre
               par un long soupir érodé
               j'ai repris mon sentier sans esclandre

Qu'en est il de la boîte enterrée
je ne sais si elle est bien étanche
qu'en est il de l'oeil acéré
du mot camouflé dans la fente

               Sans faillir au serment que j'ai fait
               sans manquer de courage et d'endurance
               nul ne peut se parer des effets
               couplés du temps
               et de la distance

mardi 15 mars 2016

Elle m'a quitté navigant
m'abandonnant glycémique
à l'abîme sinuant
d'un puit de calcite

Plongée dans l'obscurité
réconciliant l'étoile
de silencieuse gaieté
d'éboulis ventral

J'ai foulé la terre humide
et les carrières de sable
en roue libre dans le vide
enlisée du sel de larmes

Par un tunnel insolite
qui peut rallier la rive
suivre l'homme de granit
le golem ivre

Qui titube en albatros
en seigneur des colosses
vers les hauteurs et les causses
d'une voie de bosses

jeudi 3 avril 2014

Tableaux de Palerme


Une ruelle de Palerme


    A cette heure entre nonnes et vêpres où le soleil bat la terre, aucune agitation n'est de bon augure. 
Le pelage des chiens errants s'engorge de particules. De cette poussière qui forme des spectres garants du couvre-feu. Les papiers sales furètent en éclaireurs aux lézardes des pierres fumées qui gardent les bâtisses. 
    
    A cet étage tout est forgé par la brûlure, du macadam fondu aux bennes à ordures calcinées, aux mégots disséminés. Le noir remonte, s'engrisaille, puis se tâche aux balcons de vifs coloris synthétiques ou pendent les lessives. Et, enfin, tout là-haut : une ouverture. A peine une lucarne pâle et malade, un voile qui sèche, un trait de ciel pur. 

   Un peintre aurait ravivé les joues d'un tel visage. Justement, dans la mare où les rigoles perdent le chemin de la mer, une teinte s'y aventure. Depuis le temps qu'elle se prélasse, une eau de sang a marqué les bordures de ronds succéssifs gage de son assèchement. 

   Celui sûrement d'une créature de ces bas-fonds, de cette mouette las-bas dont il ne reste que deux ailes collés comme les paupières d'un enfant qu'on tire du sommeil. Sur le dos de ce dos, d'autres plumes, le bec puissant et acharné d'un goéland à peine plus grand qui se contente en pâture des tristes restes d'un semblable. 

   Mais la reine en ces lieux est l'adolescence vibrante, perturbée, de cet autre oiseau qui vole, de ce rapace plus carnacié ; sans maître, loin de la fenêtre, trop loin du grand air, trop loin de son grand-père.

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 Le jardin botanique 

Silence.
 Un ciel bleu clair s'étend, fendu par l'oiseau au plumage vert qui plane, dont la queue se déploie comme une main. 
J'aimerais peindre chaque arbre, chaque plante jusqu'à l'herbe indésirée qui se proclame aristocrate. 
On ne pourrait mieux décrire telles palmes arrondies, telle sensualité épineuse, telle luxuriance. 
Résonne quelques coups sournois et irréguliers de graines et fleurs impatiente de cavaler loin de l'oiseau  vert, au ventre jaune, au reflets multiples, qui chasse en élégance. 
Dans ce temple floral la couleur se mange, c'est le sucre et la viande tendre d'une société close.
Lui niche dans le grand arbre sec et blanc au cheveux roux, dans un noeud à mi-sommet.
Un rat me garde à l'oeil dans une reinure et un chat me dédaigne sur les graviers massants. 
Les lézards s'éclipsent à mon approche dans un bruissement de feuilles mortes.
 Et là, magistrale !
 Immérgées et en surface, les tortues enseignent à qui les observent leur sagesse du temps qui passe.
 Au tempo qu'elles connaissent depuis des âges entiers, elles se meuvent lourdement dans le seul but de puiser à leur peau de pierre le meilleur du rayonnement solaire.
Sur un bloc de marbre ou se reflète les losanges de l'étang, je me fait l'élève de leur enseignement.